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La petite rétrospective de Roos Spekto

Je ne sais pas pour toi, lecteur discret, mais cette année 2019 me laisse un bien drôle de goût dans la bouche. En fait, il n’y a rien de drôle et ce n’est pas ma bouche qui est la plus touchée par tout ce qui m’entoure. Je suis troublé car mes repères semblent disparaître les uns après les autres. Je ne sais plus qui croire ou comment réagir. Pire, j’ai parfois du mal à me croire moi-même.

On est tellement à l’ère des fake news et de la division des troupes qu’on laisse le chemin libre aux imbéciles heureux et aux extrémistes dangereux. La notion du gros bon sens n’est plus celle qui prend sa place quand ça dérape. Au contraire, les grandes gueules, les menteurs, les illusionnistes, les vendeurs, les maîtres des réseaux sociaux et autres sorciers de l’opinion populaire noient tellement les informations que tout devient difficilement crédible, même la vérité.

On aime ridiculiser nos voisins américains avec leur clown présidentiel en tête, mais sommes-nous vraiment mieux de ce côté-ci de la frontière? Oublions les autres provinces deux secondes, car on fera encore la gaffe de ne pas se regarder dans le miroir. Peut-on se vanter d’être mieux qu’ailleurs? Per capita, on est sur le podium des scrapeurs de la planète. Pourtant, on se targue d’être vert. On se trouve des raisons pour utiliser quotidiennement nos voitures, pour vivre dans de grandes maisons, pour voyager une fois ou deux par année, pour se payer des trucs qui viennent d’ailleurs dans le monde, etc. On se ment, l’ami, et on se croit. Mais avoue que c’est de plus en plus difficile de se fermer les yeux.

Je ne te blâme pas personnellement, lecteur bien intentionné, car il faut que les grands moyens viennent de plus haut, mais tu as une part à jouer. Le gros de l’affaire est dur à avaler: il faut accepter le recul. Le jeu capitaliste doit se calmer, les ambitions ridicules mènent à notre perte. Pourquoi travailler comme des fous pour se permettre tant d’inutilités? Si on calmait la machine à saucisses, on aurait moins besoin de tous ces échappatoires futiles, non? Comme les Cowboys Fringants le chantent si bien dans L’Amérique Pleure, La question que j’me pose tout le temps /Pourquoi travailler autant /M’éloigner de ceux que j’aime /Tout ça pour jouer la game… bien c’est cette game-là le tabarnouche de problème! Au final, on accepte de la jouer cette game au lieu de se révolter, au lieu de dire non, au lieu de ralentir le rythme, au lieu de forcer le système à changer. Les règles actuelles favorisent la destruction pure et simple de notre planète Terre.

Je ne suis pas Greta, je ne suis pas un scientifique et je ne suis pas mon frère Rio. Je ne serai pas le porte-parole de qui que ce soit car je n’ai pas la santé mentale pour affronter tant de débilités écrites et vomies sur les différentes plateformes. Je changerai mon propre parcours personnel et me pointerai le nez quand les rares leaders en qui j’ai confiance feront appel à moi. Puis si la population n’embarque pas, si les décideurs jouent à l’autruche et si ça pète pour de bon, je mourrai en paix en me disant que l’humain ne méritait pas de vivre plus longtemps. C’est une conclusion moche, lecteur déçu, je le sais et je l’assume. Tu me vois nu et ma transparence t’es offerte sans maquillage. L’espoir n’est pas mort, peut-être juste plus très fort…

En terminant, j’aimerais remercier Philozique pour son ouverture, Rio pour son combat, tous mes amis pour les tapes morales dans le dos et toi, lecteur si attachant, pour ton soutien intellectuel. Quand je sombre un peu trop profondément, je pense à vous et réussis à me remettre en marche. Je remercie également les artistes et les artisans qui égayent souvent mes journées, même dans les moments plus difficiles. Je laisse Guy vous offrir une rétrospective plus artistique et je vous souhaite une belle année 2020… avec moi de préférence!

Roos Spekto

Encore un jour à se lever
En même temps que le soleil
La face encore un peu poquée
Mon 4h de sommeil

J’tire une couple de puffs de clope
Job done pour les vitamines
Pis un bon café à l’eau de moppe
Histoire de s’donner meilleure mine

J’prends le Florida Turnpike
Pis demain soir j’ta Montmagny
Non trucker s’pa vraiment l’Klondike
Mais tu vois du pays
Surtout que ça te fait réaliser
Que derrière les beaux paysages
Y’a tellement d’inégalités
Et de souffrance sur les visages

La question que j’me pose tout le temps
Mais comment font tous ces gens
Pour croire encore en la vie
Dans cette hypocrisie

C’est si triste que des fois
Quand je rentre à la maison
Et que j’park mon vieux camion
J’vois toute l’Amérique qui pleure
Dans mon rétroviseur
Moi je traîne dans ma remorque
Tous les excès de mon époque
La surabondance surgelée, Shootée, suremballée

Pendant que les voeux pieux passent dans le beurre
Que notre insouciance est repue
C’est dans le fond des containers
Que pourront pourrir les surplus

La question que j’me pose tout le temps
Mais que feront nos enfants
Quand il ne restera rien
Que des ruines et leur faim

C’est si triste que des fois
Quand je rentre à la maison
Et que j’park mon vieux camion
Je vois toute l’Amérique qui pleure Dans mon rétroviseur

Sur l’interstate-95
Partent en fumée tous les rêves
Un char en feu dans une bretelle
Un accident mortel

Et au milieu de ce bouchon
Pas de respect pour la mort
Chacun son tour joue du klaxon
Tellement pressé d’aller nulle part
La question que j’me pose tout le temps
Mais où s’en vont tous ces gens
Y’a tellement de chars partout
Le monde est rendu fou

C’est si triste que des fois
Quand je rentre à la maison
Et que j’park mon vieux camion
Je vois toute l’Amérique qui pleure
Dans mon rétroviseur

Un autre truck stop d’autoroute
Pogné pour manger d’la schnoutte
C’est vrai que dans la soupe du jour
Y’a pu tellement d’amour

On a tué la chaleur humaine
Avec le service à la chaîne
À la télé un autre malade
Vient d’déclencher une fusillade
La question que j’me pose tout le temps
Mais comment font ces pauvres gens
Pour traverser tout le cours D’une vie sans amour

C’est si triste que des fois
Quand je rentre à la maison
Pis que j’park mon vieux camion Je vois toute l’Amérique qui pleure
Dans mon rétroviseur

Rien n’empêche que moi aussi
Quand j’roule tout seul dans la nuit
J’me demande des fois ce que je fous ici
Pris dans l’arrière-pays

J’pense à tout c’que j’ai manqué
Avec Mimi pis les deux filles
Et j’ai ce sentiment fucké
D’être étranger dans ma famille

La question que j’me pose tout le temps
Pourquoi travailler autant
M’éloigner de ceux que j’aime
Tout ça pour jouer la game

C’est si triste que des fois
Quand j’suis loin de la maison
Assis dans mon vieux camion
J’ai toute l’Amérique qui pleure
Quelque part au fond du cœur

L’Amérique Pleure, Les Cowboys Fringants (2019)

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